Cycle romanesque en sept parties de Marcel Proust (1913 -1927).
«Construit comme une cathédrale», À la
recherche du temps perdu est, par sa richesse, sa complexité et sa taille, un
monument littéraire. L'ouvrage englobe une étude romanesque en sept volets
étendue sur 14ans, et son titre annonce l'ambitieux programme philosophique
poursuivi par l'auteur. Entremêlant fiction et éléments autobiographiques,
Marcel Proust opère une ample tentative de restitution de la notion même de
temps au moyen du roman lui-même. Ce travail fait suite à une série de
réflexions théoriques sur la littérature et la méthode critique (publiées
longtemps après la mort de Proust sous le titre de Contre Sainte-Beuve,1954), qui
marque une évolution importante dans la carrière de l'écrivain.
Le premier volet de l'œuvre:
Du côté de chez Swann (1913), est publié à compte
d'auteur chez Grasset. Délaissant l'élaboration d'une trame romanesque
traditionnelle, Marcel Proust se veut l'observateur subtil des salons parisiens
et de leurs annexes provinciales à travers le personnage central de Swann. Le
procédé narratif choisi est original, et se retrouve dans tous les autres
volets de l'œuvre. Empreint de modernité, il consiste à mettre en scène «de
l'intérieur» un narrateur étrangement présent (est-ce Proust lui-même?). Dans
Du côté de chez Swann, l'auteur s'attache à faire revivre son enfance, et sa
méthode introspective se manifeste particulièrement dans le célèbre épisode de
la madeleine mouillée de thé. La saveur particulière de cette pâtisserie
anodine déclenche en effet chez le narrateur des associations d'idées et de
sensations qui le replongent instantanément dans son passé.
Le deuxième volet,
qui vaut à Marcel Proust
le prix Goncourt1919, fait apparaître le personnage d'Albertine (À l'ombre des
jeunes filles en fleurs,1918). Dans le Côté de Guermantes (1920-1921), le
narrateur explore un autre aspect de son enfance, dominée par la vieille
famille aristocratique des Guermantes, pivot de cette société mondaine qu'il
observe avec ironie. Il se consacre ensuite à une description du problème de
l'homosexualité (Sodome et Gomorrhe,1920-1921). La Prisonnière (1923) et
Albertine disparue (1925) sont consacrés à la peinture du douloureux amour du
narrateur pour Albertine.
Le Temps retrouvé (1927),
dernier volet de la Recherche, reprend les thèmes majeurs des volets précédents – le snobisme, l'amour, l'art, la mémoire, le temps – et éclaire la signification totale de l'œuvre: la Recherche est un roman d'apprentissage, l'histoire d'un sujet de l'enfance à l'âge adulte. Grâce à la magie de la mémoire, le narrateur se découvre une relation avec le monde qui transcende la dissolution des êtres dans le temps: il se détourne en effet de la réalité présente pour ne s'intéresser qu'à la réalité de la conscience. Mais, en définitive, cette somme romanesque révèle la vocation d'écrivain de Marcel Proust lui-même. L'enfance une fois désacralisée, il ne subsiste qu'un ultime remède à la désillusion et au désespoir: la mise au monde d'une œuvre, qui seule permet d'atteindre la vérité de l'être à travers le flux du temps. Par un clin d'œil qui constitue une prodigieuse mise en abîme rétrospective, À la recherche du temps perdu s'achève au moment où le narrateur entreprend la rédaction de son propre roman. Ainsi, malgré une genèse discrète, cette œuvre de Proust, dont les derniers volets ont été publiés à titre posthume, constitue, par son ampleur, par la conception nouvelle du récit, l'une des étapes majeures de la littérature contemporaine.
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