Algérie
1 |
PRÉSENTATION |
Algérie, en arabe Al Jazā’ir, pays du Maghreb. Sa capitale est Alger.
L’Algérie est bordée au nord
par la mer Méditerranée, à l’est par la Tunisie et la Libye, au sud-est par le
Niger, au sud-ouest par le Mali et la Mauritanie, à l’ouest par le Maroc, et
notamment le Sahara-Occidental.
2 |
MILIEU NATUREL |
2.1 |
Relief et hydrographie |
Sahara algérien
La partie algérienne du Sahara couvre plus
des trois quarts de la superficie du pays. La bordure septentrionale est
constituée d'une zone de steppe où se développe une maigre végétation
xérophile. Le sous-sol est riche en gisements de pétrole et de gaz naturel.
Sylvain Grandadam/ALLSTOCK, INC.
L’Algérie est le deuxième pays
d’Afrique par sa superficie — 2 381 741 km², dont les
quatre cinquièmes sont occupés par le Sahara. Le pays comprend deux grands
ensembles géographiques : les chaînes de l’Atlas, au nord, et le Sahara,
au sud. Entre les massifs de l’Atlas tellien, ou Tell algérien (Kabylie,
Mascara, Ouarsenis, Saïda, Tlemcen, etc.), s’insèrent des plaines étroites et
discontinues en bordure d’une côte très découpée qui s’étire sur près de
1 000 km.
À l’intérieur des terres, le
long des oueds côtiers, s’étendent de nombreuses vallées fertiles : la
vallée du Chéliff, irriguée par le cours d’eau du même nom, le plus long
d’Algérie (725 km) ; la Mitidja, une plaine de subsidence séparée de
la mer par les collines du Sahel d’Alger. À l’est, les fonds de vallées forment
des plaines comme la Soummam et la plaine alluviale d’Annaba, d’une importance
économique comparable à celle de la Mitidja. Ces régions regroupent l’essentiel
des terres arables. Il n’existe aucun oued permanent au sud du Tell, où les
hauts plateaux semi-arides (Sétif, Constantine) sont parsemés de dépressions
désertiques et de lacs salés marécageux, les chotts (Chergui, Hodna).
Massif du Hoggar (Algérie)
Les étendues désertiques du massif du
Hoggar se dressent dans le Sahara, au sud-est de l'Algérie, où les
températures, torrides, atteignent souvent les 50°C. Les altitudes les plus
élevées du pays se trouvent dans le Hoggar, au pic du mont Tahat qui culmine à
3 003 m. À l'ouest du massif, un désert pierreux stérile s'étend sur l'Algérie
et se prolonge au Mali.
Sean Sprague/Panos Pictures
L’Atlas saharien est constitué
de montagnes très anciennes, datant de l’éocène. Fragmentées d’ouest en est par
l’érosion, ces chaînes montagneuses (monts des Ksour, djebel Amour, monts des
Ouled Naïl, Mzab, djebel Aurès) abritent des oasis aux pieds de leurs
contreforts. L’Atlas domine la grande étendue du Sahara algérien. Les altitudes
n’y dépassent pas 2 000 m, hormis dans les régions frontalières du
Maroc (djebel Aïssa, 2 236 m). À l’est, les altitudes sont plus
élevées, notamment dans le massif des Aurès, dont les sommets dominent à
l’ouest la cuvette du Hodna et au sud la dépression des grands chotts.
Au sud de l’Atlas tellien,
l’ensemble des Hautes Plaines offre un paysage de steppes unique : à
l’ouest, elles s’étirent sur près de 500 km sur une largeur de 100 à
200 km ; à l’est, elles s’étendent sur près de 200 km, et en
raison d’un relief plus élevé (800 à 1 000 m) on parle de Hauts
Plateaux. C’est une région de transition vouée à une économie pastorale
semi-nomade ; l’élevage des ovins y est la principale activité.
Oasis de Kerzaz (Algérie)
Le Grand Erg occidental (erg
signifie "mer de sable" en arabe) est l'une des deux énormes mers de
sable qui couvrent la majeure partie de l'Algérie. De nombreuses oasis se
trouvent dans le Grand Erg occidental, parmi lesquelles l'oasis de Kerzaz
située, sur la route du Tanezzouft, à peu près à mi-distance entre Béchar et
Adrar.
Corbis
Le Sahara algérien s’oppose
par tout un ensemble de caractères à l’Algérie maghrébine. Du point de vue de
la structure géologique, il appartient au vieux socle africain ; ce socle
de roches précambriennes a été nivelé au cours des millénaires, et la mer
recouvrait une grande partie du Sahara dès la fin du précambrien, au secondaire
et encore au tertiaire. Ces transgressions marines expliquent en partie
l’aspect du Sahara ; le socle cristallin n’affleure que dans les massifs
montagneux comme le Hoggar ou l’Atakor, la mer ayant déposé sur presque tout le
socle un lourd manteau de sédiments : schistes et grès du primaire,
calcaires, grès et argiles au secondaire, sédiments néogènes dans le nord,
arrachés à l’Atlas au tertiaire.
Conséquences de cette formation,
trois types de paysage dominent : les hamadas, plateaux de dalles
rocheuses ; les regs, grandes étendues de graviers et de
cailloux ; les ergs, immenses étendues de dunes de sables nés de
l’érosion et accumulés par les vents. L’épaisseur des sédiments a permis la
formation des structures pétrolifères qui font de la région un pôle économique
stratégique. Cette histoire géologique complexe explique l’altitude
généralement basse du Sahara (moins de 500 m en moyenne) : le Grand
Erg oriental et le Grand Erg occidental se composent d’immenses dunes de sable
et de zones pierreuses ; au sud du plateau du Tademaït (762 m),
immense hamada de dalles rocheuses, on trouve le plateau gréseux du tassili des
Ajjer et enfin, le massif du Hoggar, où culmine le mont Tahat
(3 003 m), le point le plus élevé du pays.
2.2 |
Climat |
Au nord, le climat est
typiquement méditerranéen. Les étés sont chauds et secs, les hivers doux et
humides (400 mm à 1 000 mm de pluie par an). Les températures
moyennes (25 °C en août et 12 °C en janvier à Alger) varient en
fonction de l’altitude. En été, le sirocco, un vent extrêmement chaud et sec,
souffle du Sahara. Sur les Hauts Plateaux et dans l’Atlas saharien, les
précipitations sont peu abondantes (200 mm à 400 mm par an). Dans le
Sahara, elles sont inférieures à 130 mm par an. L’amplitude thermique y
est très importante (de 49 °C le jour à moins de 10 °C la nuit).
L’aridité du climat est accentuée par des vents de sable parfois très violents
(simoun).
2.3 |
Végétation et faune |
Les sols du nord de l’Algérie
souffrent depuis plusieurs siècles des pratiques de cultures intensives, du
déboisement et du surpâturage. La forêt reste encore vivace dans certaines
parties du Tell et de l’Atlas saharien. Les principales essences y sont les
pins, les cèdres de l’Atlas et plusieurs variétés de chênes, dont le
chêne-liège. Les versants inférieurs sont dénudés ou recouverts de garrigue
(genévriers et arbustes divers). La région des Hauts Plateaux est une zone de
steppe semi-aride où poussent notamment l’alfa (graminée) et des herbes
propices au pâturage. Dans le Sahara, la flore est très clairsemée (plantes
herbacées, acacias, jujubiers), voire absente.
La plupart des régions sont
peuplées d’animaux nécrophages (chacals, hyènes et vautours). On rencontre en
plus petit nombre des antilopes, des gazelles, des lièvres et des reptiles.
3 |
POPULATION ET SOCIÉTÉ |
3.1 |
Démographie |
En 2006, l’Algérie comptait
32,9 millions d’habitants, soit 13,8 habitants au km². Cependant, ce
chiffre reflète mal une répartition inégale : on estime que
96 p. 100 de la population vit sur 17 p. 100 du territoire,
essentiellement dans le nord du pays.
La population algérienne a plus que
doublé depuis les années 1960 ; toutefois, son taux de croissance
annuel moyen diminue lentement : de 3,2 p. 100 pour cette même
période, il est passé en 2002 à 1,68 p. 100, soit l’un des taux de
croissance démographique les plus bas d’Afrique. La baisse sensible de la
fécondité (1,89 enfants par femme en 2006, contre 7,4 en 1970) est en
partie imputable au recul de l’âge du mariage et à l’amélioration du niveau
d’instruction des filles. La population de l’Algérie est jeune : en 2002,
on estime à 33,5 p. 100 de la population totale la part des moins de
15 ans, alors que celle des individus âgés de 65 ans et plus est de
4,8 p. 100. L’espérance moyenne de vie est de 73,3 années.
La population de l’Algérie se
compose en majorité d’Arabes (82 p. 100) ; elle compte aussi une
très forte minorité berbère (Kabyles, Chaouïas, Zénètes ;
17 p. 100). Avant l’indépendance, près de 150 000 juifs
vivaient en Algérie, parfois de souche très ancienne. Presque tous ont quitté
le pays en même temps que les colons européens (environ 1 million de
personnes), essentiellement des Français. La proportion de résidents étrangers
a fortement diminué lors des événements du début des années 1990. La
population française, en particulier, est passée de 52 000, en 1986, à
24 500 en 1992 et 8 300 (dont les trois quarts possèdent la double
nationalité) en 1996 ; elle tend à croître cependant depuis 1996 en raison
de l’amélioration sensible du climat sécuritaire.
Il existe une importante
communauté algérienne à l’étranger (1,8 million de personnes en 1995),
dont la plus nombreuse se trouve en France, où les Algériens émigrèrent
massivement, notamment à partir des années 1950 : on y compte
700 000 ressortissants algériens et plus d’un million de binationaux.
3.2 |
Découpage administratif et villes principales |
Alger
Les quais du port d'Alger s'étirent sur
près de 15 km : derrière les immeubles de style européen s'étend la
Casbah, qui a conservé son aspect traditionnel.
Tom Hollyman/Photo Researchers, Inc.
Sur le plan administratif,
l’Algérie comprend 48 wilayas, divisées en 160 dairates
(sous-préfectures) et 1 541 communes.
Ghardaïa (Algérie)
Au cœur de la région du Mzab, la ville de
Ghardaïa est située dans une oasis saharienne. La cité construite sur une
colline est dominée par le minaret très particulier de la mosquée des Ibadites
(du mouvement kharijite). L'architecture urbaine du Mzab se distingue par la
rareté des ouvertures afin de lutter contre la chaleur.
Rasmussen/Sipa Image/Woodfin Camp and Associates, Inc.
En 1970, les Algériens étaient
près de 60 p. 100 à vivre hors des villes. Le rapport s’est depuis
inversé, avec un exode rural important qui a joué un rôle essentiel dans le
développement de la crise sociale, politique et économique que connaît
l’Algérie. Cette désarticulation de la société traditionnelle n’est pas
étrangère à la facilité avec laquelle les mouvements islamistes ont pu
s’implanter. En 2003, 59 p. 100 de la population algérienne résidait
en milieu urbain. La capitale, Alger, premier port maritime du pays, est passée
de 1 908 000 habitants en 1990 à 3 059 643 en 2003.
Oran, sur la côte ouest, est un pôle commercial et portuaire important (655 852 habitants
en 1998). À l’est, Constantine est la capitale d’une région productrice de
bestiaux et de blé (462 187 habitants en 1998).
3.3 |
Institutions et vie politique |
3.3.1 |
Historique |
La Charte nationale promulguée
en 1976 fait de l’Algérie une république démocratique et populaire, reposant
sur un régime présidentiel. Cette Constitution institue le Front de libération
nationale (FLN) comme parti unique, alors que celui-ci domine de fait le
paysage politique national depuis l’indépendance, en 1962. Au lendemain de la
guerre d’Algérie, le parti qui a mené la longue guerre d’indépendance
algérienne jouit en effet d’une légitimité, intérieure autant qu’extérieure,
incarnée par les « héros de l’indépendance ». Il monopolise la
représentation nationale et contrôle l’ensemble des rouages du pouvoir.
La révision de la Constitution
opérée en 1989 abolit les références au socialisme et la notion de parti
unique, et introduit le multipartisme. Elle établit aussi la séparation des
pouvoirs et limite le rôle de l’armée. La transition démocratique est toutefois
interrompue dès les élections législatives de décembre 1991, qui
consacrent au premier tour l’avancée écrasante du Front islamique du
salut (FIS), parti confessionnel militant pour la création d’un État
islamique. Après un coup d’État militaire, le second tour des élections est
annulé par le Haut Conseil de sécurité (HCS) tandis que l’Assemblée
populaire nationale est suspendue. Un Haut Comité d’État (HCE) est créé en
janvier, qui instaure l’état d’urgence et dissout le FIS. L’Algérie, qui plonge
dans une guerre civile sanglante à la suite de la répression anti-islamique,
est gouvernée de 1992 à 1994 par le HCE. La nomination par le HCE de Liamine
Zéroual comme président par intérim (janvier 1994) est suivie de son
élection, contestée, en novembre 1995. En novembre 1996, une réforme
constitutionnelle, approuvée par référendum, interdit les partis religieux,
linguistiques et régionalistes, consacre l’islam comme religion d’État,
renforce le pouvoir présidentiel et crée également un système législatif
bicaméral. En 1999, Abdelaziz Bouteflika est élu à la présidence de l’Algérie
avec le soutien de l’armée. Il est réélu en 2004 pour
un second mandat.
3.3.2 |
Pouvoir exécutif |
Le pouvoir exécutif appartient
au président de la République, élu au suffrage universel (à partir de
18 ans) pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Chef suprême de
toutes les forces armées et responsable de la Défense, le président de la
République arrête et conduit la politique extérieure de la nation. Il nomme un
Premier ministre à la tête du gouvernement, puis les membres du gouvernement,
sur proposition du Premier ministre. Conformément à la Constitution, le
président peut s’appuyer sur deux institutions consultatives, un Haut Conseil
islamique et un Haut Conseil de sécurité.
3.3.3 |
Pouvoir législatif |
Le pouvoir législatif repose sur un
système bicaméral constitué d’une Chambre haute, le Conseil de la nation, et
d’une Chambre basse, l’Assemblée populaire nationale. Le Conseil de la nation
est composé de 144 membres, dont un tiers est désigné par le président de
la République ; les autres 96 membres sont élus au suffrage indirect.
Le mandat des membres du Conseil, renouvelable par moitié tous les trois ans,
est de six ans. L’Assemblée populaire nationale est composée de
389 membres élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans.
3.3.4 |
Partis politiques |
Les deux principaux partis au
pouvoir en Algérie sont le Front de libération national (FLN), l’ancien
parti unique qui domine le paysage politique algérien depuis l’indépendance, et
le Rassemblement national démocratique (RND), créé quatre mois avant les
élections législatives de juin 1997 pour soutenir le président Liamine
Zéroual. Les élections législatives de juin 2002, auxquelles ont participé
23 partis, ont signé le retour en force du FLN d’Ali Benflis, qui détient
la majorité absolue avec 199 sièges, et le très net recul du RND, conduit
par Ahmed Ouyahia, qui a vu son nombre de sièges chuter de 155 à 47 entre
les élections de 1997 et celles de 2002 — le RND dispose cependant d’une
forte majorité au Conseil de la nation.
Alors que le Front islamique
du salut (FIS) est interdit depuis mars 1992, le pouvoir algérien
tolère un certain nombre de partis islamistes agréés ; tandis que les
mouvements islamistes proches du pouvoir sont en perte de vitesse — le
mouvement Ennahda (« Renaissance ») de Lahbib Adami est passé de
34 sièges dans la précédente législature à un seul à l’issue des élections
de 2002, et le Mouvement de la société de la paix (MSP) du cheikh Mahfoud
Nahnah, de 69 à 38 —, le mouvement Islah (Mouvement de la réforme
nationale, MRN) d’Abdallah Djaballah, plus radical, détient désormais
43 sièges à l’Assemblée. Les principaux partis d’opposition laïcs face au
FLN sont le Front des forces socialistes (FFS) d’Hocine Aït Ahmed et le
Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Saadi. Ces deux
partis kabyles, qui disposaient chacun de 19 sièges dans la précédente
Assemblée, ont boycotté le scrutin en raison de la crise insurrectionnelle qui
agite la Kabylie depuis le printemps 2001. Parmi les autres partis qui
composent le paysage politique algérien et qui sont représentés à l’Assemblée,
figurent le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoune (21 sièges)
et le Front national algérien (FNA, 8 sièges).
3.3.5 |
Défense nationale |
En 2004, les forces armées
algériennes regroupaient 120 000 hommes dans l’armée de terre,
10 000 dans l’aviation, 7 500 dans la marine. L’État a consacré
3,4 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de la Défense
nationale.
3.3.6 |
Les groupes armés |
Les principaux mouvements armés
sont le GIA (Groupe islamique armé), l’AIS (Armée islamique du salut)
et l’AEI (Armée de l’État islamique).
Le GIA recrute essentiellement
parmi les masses périurbaines et la jeunesse désœuvrée, et pratique un
terrorisme qui a pris la forme de massacres collectifs. Il est probablement
infiltré par les services spéciaux algériens. L’AIS, la branche armée du FIS,
fondée en juillet 1994, regrouperait 4 000 à 5 000 maquisards.
Ses actions ont été volontairement passées sous silence par le gouvernement
algérien, alors qu’elles seraient au moins dix fois supérieures en nombre à
celles du GIA. L’AEI regrouperait surtout des déserteurs de l’armée algérienne.
Les groupes armés ont aujourd’hui cessé toutes les opérations contre les
installations pétrolières. Autour de ces mouvements gravitent des petits
groupes plus ou moins contrôlés qui agissent ponctuellement.
À l’exception de la Kabylie,
la carte des actions terroristes et des maquis se superpose en partie à celle
de la guerre d’Algérie, notamment l’Algérois, la Mitidja, ainsi que le
Nord-Constantinois.
3.4 |
Langues et religions |
Lecture du Coran (Algérie)
À Fort Polignal, en Algérie, les Arabes et
les Touareg (nomades berbères) répondent cinq fois par jour à l'appel de la
prière par la lecture de versets du Coran, livre sacré de l'islam. Cette
religion est apparue en Algérie au viie siècle
apr. J.-C., au moment où les Arabes ont envahi l'Afrique du Nord. Écrit en
arabe, le Coran est un guide moral et spirituel, qui comporte également des
règles de vie insistant sur la notion de communauté.
Victor Englebert/Photo Researchers, Inc.
L’arabe est la langue
officielle de l’Algérie. Environ 80 p. 100 de la population est
arabophone, et parle majoritairement l’arabe algérien, une variante dialectale
de l’arabe. Par ailleurs, environ 6 millions d'Algériens, regroupés
principalement en Kabylie, parlent l’une des variantes du berbère (en
particulier le tamazight). Le français, longtemps enseigné dès l’école
primaire, est lu et parlé par de nombreux Algériens. Il a cependant été
supprimé dans l’enseignement secondaire en 1989, avec la disparition du
baccalauréat bilingue arabe-français. Née de la volonté d’en finir avec la
langue colonisatrice, l’arabisation a pris une tournure autoritaire au début
des années 1990. La première loi de généralisation de l’arabe date de
1991. Elle stipule que tous les actes officiels doivent être rédigés en arabe.
Ce vote ayant provoqué de violentes manifestations à Alger en faveur de la
démocratisation et de la défense du berbère, son adoption est reportée sur
l'initiative de Mohamed Boudiaf. La nouvelle Constitution de 1996 confirme
l’arabe comme seule langue nationale et officielle, mais reconnaît l’amazighité
(l’identité berbère) comme l’une des trois composantes fondamentales de
l’identité nationale, à côté de l’arabité et de l’islamité. Une nouvelle loi
est votée la même année, en faveur de la généralisation de l’utilisation de
l’arabe, qui touche les secteurs où le français est encore la langue de travail
majoritaire (la vie économique et l’enseignement supérieur notamment). La
bataille de l’arabisation est cependant loin d’être gagnée et, en 2002, face
aux revendications des berbérophones, le berbère accède au statut de langue
nationale par un amendement de la Constitution.
La Charte nationale de 1976 a
proclamé l’islam religion d’État. La très grande majorité des Algériens sont
musulmans sunnites, pour la plupart de rite malékite.
3.5 |
Éducation |
Le système éducatif algérien a
longtemps été cité en exemple dans les pays anciennement colonisés et
contribuait à maintenir le sentiment d’appartenance nationale.
Depuis 1962, la scolarité est gratuite et obligatoire pour les enfants de
6 à 16 ans, qui suivent un cycle dit « fondamental » de neuf ans
(six ans d’école élémentaire, trois ans de collège). En 1998, plus de
7 millions d’élèves étaient encadrés par
300 000 enseignants ; près de 60 p. 100 des enfants
âgés de 12 à 17 ans étaient scolarisés ; 21 p. 100 de la
classe d’âge concernée poursuivaient des études dans le troisième degré.
L’Algérie dispose de 8 universités
(dont 2 en sciences et technologie) qui accueillent 682 775 étudiants
en 1998. L’université d’Alger, fondée en 1879, offre un enseignement dans
plusieurs disciplines (droit, médecine, sciences et lettres). Sept de ces
universités et la quasi-totalité des établissements spécialisés de
l’enseignement supérieur ont été fondés après l’indépendance.
Malgré les efforts consentis
— l’État algérien consacre environ 5,12 p. 100 du PNB (1996) et
27,6 p. 100 (1998) de son budget aux dépenses d’éducation —, le
système éducatif algérien n’est cependant pas parvenu à répondre aux exigences
de l’explosion démographique. De plus, l’arabisation de l’enseignement
introduite en 1972 a été jugée trop brutale par bon nombre d’observateurs. Elle
a nécessité la formation hâtive d’enseignants arabophones, et le gouvernement
dut même faire appel à des enseignants étrangers. Les résultats ont été, dans
un premier temps, très médiocres, car les premières générations issues de cet
enseignement ont connu un fort taux d’analphabétisme et d’illettrisme dans les
deux langues. Aussi le taux d’alphabétisation demeure-t-il bas
(72,2 p. 100 en 2005, 121e rang mondial). Les
enseignants francophones, et notamment les universitaires, sont devenus en
outre l’une des cibles privilégiées du terrorisme islamiste.
3.6 |
Arts et vie culturelle |
Rachid Boudjedra
Révélé au tournant des années 1960/70 par
deux romans, la Répudiation (1969) et l'nsolation (1972),
réquisitoires très virulents contre le pouvoir patriarcal et, plus
généralement, contre la société algérienne, l'écrivain algérien d'expression
française puis arabe (à partir de 1982), Rachid Boudjedra (né en 1941) a
poursuivi, dans ses œuvres ultérieures - fictions ou essais -, son
combat contre le totalitarisme et l'intégrisme (FIS de la haine, 1992),
s'insurgeant contre tous les tabous - sexuels, politiques, moraux,
religieux… - qui lui paraissent maintenir l'Algérie dans un autre âge.
Bousculant la structure traditionnelle du récit, il privilégie dans cette œuvre
- qui peut passer pour iconoclaste, si on la compare à celle de ses
compatriotes de l'époque -, le jeu de la mémoire, autobiographique ou
imaginaire, et mélange les modèles littéraires arabe et européen. Pour avoir
vécu un temps à Paris, Boudjedra s'est aussi intéressé à la condition des
immigrés vivant en France (Topographie idéale pour une agression
caractérisée, 1975).
Herre Bruhat/RAPHO
Capitale politique, Alger est aussi
la capitale culturelle du pays. La Bibliothèque nationale, qui y est située,
possède l’un des fonds les plus riches du pays (650 000 volumes),
comprenant d’importants ouvrages sur l’Afrique. La bibliothèque de l’université
d’Alger abrite plus de 700 000 volumes. Le musée de la Préhistoire et
de l’Ethnographie, le musée national des Antiquités classiques et musulmanes et
le musée national des Beaux-Arts se trouvent tous à Alger. Le musée de Cirta, à
Constantine, conserve des collections d’art et d’archéologie.
Héritiers d’une tradition ancienne,
les écrivains algériens ont su maintenir la richesse d’expression de la
littérature de langue arabe tout en lui associant la langue française (voir
aussi littérature du Maghreb). À l’image de la nation algérienne, la plus
occidentale, sans doute, des nations arabo-musulmanes, la littérature
algérienne contemporaine s’est forgée à partir d’une double influence qui lui
confère sa singularité. Les écrits de Mohammed Dib, Malek Haddad, Kateb Yacine,
Assia Djebar ou, encore, Rachid Mimouni et Rachid Boudjedra se font l’écho des
espoirs et des contradictions d’une société aujourd’hui déchirée.
Mohammed Dib
Natif de Tlemcen, Mohammed Dib fait partie
de cette génération d'écrivains maghrébins de langue française qui,
contemporains de l'éveil du nationalisme algérien et de la décolonisation, s'en
sont fait les chroniqueurs. Ses trois premiers romans, qui forment une trilogie
(la Grande Maison, 1952 ; l'Incendie, 1954 ; le
Métier à tisser, 1957), décrivent la modernisation - toute relative -
de l'Algérie de l'après-guerre et, surtout, l'éveil des consciences (celle du
prolétariat ouvrier et paysan en particulier) qui l'accompagne et prélude à
l'éclatement de l'insurrection de 1954. Expulsé de son pays en 1959, Dib reste
attentif aux événements qui frappent l'Algérie (Un été africain,
1959) ; son œuvre se fait toutefois plus intérieure, plus poétique (la
Danse du roi, 1968 ; Dieu en Barbarie, 1970 ; le Maître
de chasse, 1973 ; Habel, 1977), fantastique même (Qui se
souvient de la mer, 1962), puis s'achemine peu à peu vers un dépouillement
qui culmine dans des recueils de poèmes comme Formulaires (1970) et Feu
beau feu (1979).
Foudad El Khoury/RAPHO
4 |
ÉCONOMIE |
4.1 |
Cadre général |
Marché (Algérie)
Malgré un exode rural très important ces
vingt dernières années, l'Algérie demeure un pays où les marchés locaux jouent
un rôle très important dans les échanges.
Sylvain Grandadam/ALLSTOCK, INC.
L’Algérie est l’un des pays
les plus riches du continent africain. Avec un produit intérieur brut (PIB) de
84,65 milliards de dollars en 2004, elle affiche un PIB par habitant de
2 620 dollars qui la place au 94e rang mondial. Le
pays, qui possède de très importantes réserves de gaz naturel et figure parmi
les principaux producteurs de pétrole au monde, a fondé son développement sur
l’extraction, la production et l’exportation de ses ressources minières. Alors
que la production d’hydrocarbures représente la quasi-totalité des exportations,
40 p. 100 du PIB et 60 p. 100 des recettes de l’État, la
croissance économique algérienne — de 2,17 p. 100 en moyenne de
1990 à 2002 — est très fortement soumise aux fluctuations des prix des
hydrocarbures.
Alimentée principalement par la hausse
du prix des hydrocarbures de 1973 à 1980, cette croissance s’effondre à partir
de 1986 avec la chute de 50 p. 100 des prix du baril de pétrole. La
crise économique révèle la faillite du système d’industrialisation étatisée,
axée sur les industries lourdes, censées entraîner l’ensemble de l’économie. En
1989, le gouvernement de Mouloud Hamrouche, sous la présidence de Chadli
Bendjedid, lance un vaste programme de réformes visant à stabiliser l’économie
et à ouvrir le pays à l’économie de marché. Les avancées accomplies, en dépit
de l’opposition des caciques du FLN, marquent toutefois un coup d’arrêt sous
l’effet de la guerre civile dans laquelle le pays plonge en 1992.
De 1994 à 1998, afin de
résoudre le grave problème du poids de la dette extérieure, accentué par
l’effondrement des cours du pétrole, l’Algérie applique une politique
d’ajustement structurel dans le cadre d’un accord avec le Fonds monétaire
international (FMI) et de programmes de rééchelonnement de la dette
extérieure avec ses créanciers. Cette politique permet de redresser la plupart
des indicateurs économiques. Le pays renoue notamment avec la croissance, à la
faveur de la remontée des prix du pétrole et du gaz à la fin des
années 1990. En décembre 2001, l’Algérie intensifie son insertion
dans l’économie mondiale en concluant avec l’Union européenne (UE), son
principal partenaire commercial, un accord d’association devant déboucher à
terme sur une zone de libre-échange. Elle s’engage parallèlement à poursuivre
ses réformes, notamment dans les domaines bancaire et fiscal, et à mettre en
œuvre un vaste programme de privatisations visant le désengagement de l’État
dans tous les secteurs. La diversification de l’économie est en outre en cours,
le gouvernement algérien s’efforçant d’attirer les investissements intérieurs
et étrangers dans le secteur industriel hors hydrocarbures.
Les mesures d’austérité mises en
place depuis le milieu des années 1990 présentent cependant un coût social
très élevé. Le pays est confronté à une augmentation de la pauvreté et son taux
de chômage est l’un des plus élevés au monde : touchant près de
30 p. 100 de la population active au début des années 2000, il
atteint environ 50 p. 100 chez les moins de 30 ans. L’État doit
en outre faire face à une grave pénurie de logements — le taux
d’occupation par unité est l’un des plus élevés au monde — et à de
continuelles difficultés d’approvisionnement en eau.
4.2 |
Agriculture, forêts, pêche |
Défavorisée par un climat
aride — les terres arables ne constituent que 3 p. 100 du
territoire —, l’agriculture souffre de la dégradation des sols et de la
faiblesse de l’irrigation. Elle a en outre été délaissée dans les
années 1960 en faveur de l’industrie. Les diverses politiques dirigistes
mises en place ont abouti à une baisse de la productivité et, par conséquent, à
la hausse de la dépendance alimentaire. Aujourd’hui, le secteur primaire
emploie environ 26 p. 100 de la population active et représente
8,6 p. 100 du PIB (2000). La faible productivité (par exemple pour le
blé, 794 kg/ha, contre 6 676 kg/ha en France) rend l’importation
de denrées alimentaires nécessaire — seuls 25 p. 100 des besoins
alimentaires sont couverts par la production nationale. La balance agricole est
régulièrement déficitaire. Des efforts sont néanmoins entrepris pour améliorer
les performances, notamment en libéralisant le secteur agricole et en
subventionnant les pratiques d’irrigation dans le Sud.
Les principales cultures sont les
céréales, qui occupent 35 p. 100 des terres arables, notamment le blé
(2,60 million de t en 2005) et l’orge (1 314 000 t). Les
autres productions agricoles importantes incluent la pomme de terre, la vigne,
les agrumes, les olives et les dattes.
L’élevage constitue un secteur
actif et dynamique. En 2001, le cheptel se compose d’environ 18,7 millions
d’ovins (14e rang mondial), 3,2 millions de caprins,
1,6 million de bovins et de 125 million de volailles.
En 2005, les forêts couvrent
1 p. 100 de la superficie du pays. D’importants projets de
reboisement ont été entrepris dans les années 1970. Les coupes restent
modestes : 7,6 millions de m3 en 2004.
La pêche est un secteur
actif : en 2001, les prises représentaient 100 281 t de poissons
(sardines, anchois, thons et fruits de mer).
4.3 |
Mines et industries |
Les hydrocarbures sont la
principale richesse du pays. Les réserves de pétrole (9,2 milliards de
barils) et de gaz naturel (3,626 milliards de m3) dont dispose
l’Algérie au Sahara figurent parmi les plus importantes au monde. La production
de pétrole brut (588 millions de barils en 1999, 17e rang
mondial) et celle de gaz naturel (82,4 milliards de m3 en 2003,
5e rang mondial) assurent 30 p. 100 du PIB,
60 p. 100 des recettes du pays et 97 p. 100 de ses
exportations. La part des produits miniers hors hydrocarbures n’est pas
négligeable (17 p. 100 du PIB environ) ; l’Algérie dispose
notamment d’importantes ressources en phosphates, minerai de fer, houille,
plomb, zinc, mercure et uranium.
Le raffinage du pétrole occupe
une place de premier plan dans un secteur industriel algérien insuffisamment diversifié
en raison de la priorité donnée au développement des industries lourdes dans
les années 1960. Outre la sidérurgie (acier), la chimie et la pétrochimie
(engrais, matières plastiques, produits pharmaceutiques), le pays possède une
importante industrie agroalimentaire (vin, huile d’olive), textile (fabrication
traditionnelle de tapis) et mécanique (camions, machines agricoles). La
quasi-totalité des activités industrielles, qui représentent environ
60 p. 100 du PIB, est localisée à la périphérie d’Alger et d’Oran.
Placées sous le contrôle de l’État et souvent peu rentables, elles font l’objet
d’un programme de privatisation élaboré dès le milieu des années 1990.
Compte tenu de la lenteur des réformes, la mise en œuvre de la privatisation
des entreprises publiques ne commence véritablement qu’au début des
années 2000, dans un contexte où l’amélioration de la situation politique
rend le marché algérien plus attractif aux investisseurs étrangers.
4.4 |
Services, finances et commerce |
4.4.1 |
Monnaie et finance |
L’unité monétaire est le dinar
algérien subdivisé en 100 centimes. En 1966, tous les établissements
bancaires ont été nationalisés. Les fonctions monétaires et bancaires du
gouvernement algérien sont centralisées dans le cadre de la Banque d’Algérie,
qui, en 1986, a entrepris la libéralisation du secteur bancaire et permis la
constitution de banques privées. Soutenu par le FMI et par ses principaux
bailleurs de fonds, l’État algérien a entrepris des efforts d’assainissement de
ses finances et a vu sa dette extérieure diminuer à partir de la fin des
années 1990. L’encours de la dette extérieure est passé de plus de
33 milliards de dollars en 1996 à 22,5 milliards de dollars en 2001.
Le service de la dette en pourcentage des exportations de biens et de services
est en outre passé de 73,9 p. 100 en 1991 à 19,5 p. 100 en
2001.
4.4.2 |
Transports |
Caravane de dromadaires
Dans les montagnes du Hoggar, les Touareg
se déplacent à dos de dromadaire. Bien adaptés aux régions rocheuses et
semi-arides, les dromadaires sont fréquemment utilisés, en raison de leur
robustesse et de leur endurance, comme bêtes de somme.
Tom McHugh/Photo Researchers, Inc.
Les réseaux ferroviaire et routier
algériens, les plus denses du Maghreb, desservent principalement le tiers nord
du pays. Toutefois, la liaison Nord-Sud est assurée par la portion algérienne
de la grande route transsaharienne (achevée en 1985), qui s’étire depuis la
côte méditerranéenne jusqu’au-delà de Tamanrasset, à la frontière du Niger. Le
réseau routier, constitué de 104 000 km (1999), dont
69 p. 100 bitumés, relie les centres miniers et pétrolifères du
Sahara à la côte. Le réseau ferroviaire, qui s’étend sur 3 572 km
(2004), dont 301 km électrifiés, est composé de 5 lignes desservant
le nord du Sahara. Les principaux ports maritimes sont Alger, Oran et Annaba.
Les transports aériens sont assurés par Air Algérie, la compagnie aérienne
nationale.
4.4.3 |
Commerce extérieur |
Le gaz naturel et le pétrole
constituant 97 p. 100 des revenus d’exportation du pays, la balance
commerciale de l’Algérie est très fortement tributaire du prix des
hydrocarbures. Ainsi la hausse du prix du baril de pétrole enregistrée à la fin
des années 1990 a-t-elle entraîné un redressement des indicateurs
commerciaux. En 2004, les exportations s’élèvent à 32,08 milliards de
dollars contre 18,39 milliards d’importations.
Outre les hydrocarbures, l’Algérie
exporte des phosphates, du minerai de fer, du cuir, du liège, du tabac, des
fruits et des légumes. Ses principales importations concernent les denrées
alimentaires, les biens de consommation et les produits d’équipement
industriel. Le principal partenaire commercial de l’Algérie est l’Union
européenne, avec qui elle réalise plus de la moitié de son commerce extérieur,
devant les États-Unis.
5 |
HISTOIRE |
5.1 |
Les origines |
Peintures rupestres du tassili des Ajjer
(Algérie)
Les peintures rupestres qui ont fait la
notoriété du tassili des Ajjer (un plateau gréseux du sud-est de l'Algérie et
de l'ouest de la Lybie) ont été découvertes par le lieutenant Brenans en 1934.
D'une délicate facture, elles évoquent le Sahara vert, au cours des six
derniers millénaires av. J.-C. La fresque ici photographiée date de la
période dite « des pasteurs à bovidés », c'est-à-dire entre 4000 et
2500 av. J.-C.
Les peintures rupestres du tassili des Ajjer ont été inscrites au Patrimoine
mondial de l'Unesco en 1982.
Erich Lessing/Art Resource, NY
Des ossements découverts sur le
territoire algérien témoignent d’une présence humaine qui remonte à plus de
500 000 ans (voir paléolithique). Des civilisations
ibéromaurusiennes (de 13 000 à 8 000 av. J.-C. environ),
définies pour la première fois à La Mouillah, près de Tlemcen, et capsiennes
(de 7 500 à 4 000 av. J.-C. environ) se développent
respectivement dans le Nord (région de Constantine), dans l’Est et dans le
Sahara. On ne connaît pas l’origine exacte des Berbères. Chasseurs puis
pasteurs et cultivateurs, ils s’organisent en tribus et en confédérations, que
les Grecs distinguent sous les noms de Libyens, et les Romains sous ceux de
Numides et de Maures.
5.2 |
De Carthage à Rome |
Aux alentours de 814 av. J.-C.,
les Phéniciens, navigateurs venus de l’est méditerranéen, fondent la ville de
Carthage, dans l’actuelle Tunisie. Son rayonnement commercial n’est effectif
qu’après la décadence de Tyr (550 av. J.-C.), leur principale cité.
Les Carthaginois établissent des comptoirs sur la côte algérienne (Annaba,
Skikda, Alger, etc.), et exercent une domination économique et politique sur
les populations libyco-berbères.
En revanche, les chefs numides
ont mieux su jouer des rivalités que la cité a développées avec Rome. Ainsi,
durant les guerres puniques (iiie-iie siècles
av. J.-C.), Masinissa, un chef numide allié à Rome, s’empare de Cirta
(Constantine). Cette capitale des rois berbères de Masaesyles, dont le
territoire s’étendait jusqu’au Maroc oriental, devient alors celle de la
Numidie. Après un long règne (203-148 av. J.-C.), Masinissa meurt,
laissant le royaume en partage à ses fils, qui composent avec les Romains. Mais
le petit-fils de Masinissa, Jugurtha, refuse la mainmise romaine ;
instigateur d’une insurrection en 111 av. J.-C., il est soumis par
Rome en 105 av. J.-C.
Sous l’autorité romaine, la Numidie
devient avec l’Égypte le « grenier de Rome », fournissant blé et
huile d’olive. La Maurétanie, annexée à l’Empire romain en
40 apr. J.-C., est divisée en deux provinces impériales (Maurétanie
tingitane et Maurétanie césarienne), tandis que l’est de l’Algérie est rattaché
à la province proconsulaire d’Afrique. Pour protéger la région des raids des
tribus nomades, un réseau de voies militaires est construit, reliant entre
elles des villes de garnison, plusieurs cités de 5 000 à
10 000 habitants, qui sont dotées de tous les attributs des villes
romaines (Timgad, Lambèse).
Au ive siècle apr. J.-C.,
alors que les légions romaines appelées à défendre l’Empire en déclin se
retirent de Numidie, la région est, pour un temps, déclarée indépendante, sous
la pression du mouvement donatiste. La population berbère latinisée, tôt
convertie à la foi chrétienne, s’est en effet massivement ralliée à cette secte
chrétienne, persécutée par les autorités romaines, après que le christianisme
est devenu religion officielle de l’Empire (313), tandis que les tribus
berbères des montagnes, non latinisées, continuent à résister. Dans un contexte
d’anarchie, les Vandales, peuple germanique, envahissent l’Afrique du Nord et y
établissent un royaume en 429. Leur domination, limitée à la bande côtière,
reste cependant fragile, et des principautés berbères indépendantes se
reconstituent durant cette période.
En 533, les Vandales sont
chassés par les armées de l’empereur byzantin Justinien Ier,
dont le rêve est de faire renaître la splendeur de l’Empire romain. La conquête
byzantine, pourtant, se limite seulement à l’est du pays.
5.3 |
Les dynasties musulmanes du Moyen Âge |
Le rêve de Justinien Ier
s’effondre lorsque, en 647, les Arabes, porteurs d’une nouvelle religion,
l’islam, se lancent à la conquête de l’Afrique du Nord, et trouvent un accueil
favorable dans les populations urbaines et côtières, dont beaucoup se
convertissent. À l’est, dans les Aurès, ils doivent s’opposer à la résistance
de deux chefs berbères, Kusayla et la Kahina, une prophétesse. Mais, dès le
début du viiie siècle,
les Berbères se soumettent et se convertissent massivement à l’islam. Des chefs
de guerre, tel Musa ibn Nusayr, s’illustrent dans les troupes musulmanes. Dès
le début du viiie siècle,
l’Algérie, comme l’ensemble du Maghreb, est devenue une province placée sous
l’autorité des Omeyades. Les Arabes et les nouveaux convertis, qui ont adopté
leur genre de vie et leur langue, y constituent une élite urbaine.
Après 740, tandis que se
multiplient les querelles de succession pour le califat, les Berbères se
dressent contre l’autorité califale et beaucoup rallient les kharijites,
dissidents fondamentalistes et démocrates de l’islam. Une communauté kharijite
subsiste d’ailleurs aujourd’hui dans le Mzab (ibadites). Les Berbères
kharijites fondent plusieurs petits royaumes, dont l’un des plus importants,
celui des Rostémides, créé en 777 à Tahert (Tiaret), est balayé en 911 par la
dynastie arabe chiite des Fatimides (voir califat), soutenue par les
Kabyles, une confédération berbère de l’Est. Dès le xie siècle, l’arabe devient la langue
majoritaire dans les plaines et les steppes. Seuls les Berbères des montagnes
résistent durablement. Deux dynasties berbères règnent cependant sur toute la
région entre le xie et
le xiiie siècle :
les Almoravides et les Almohades. Venues de la Mauritanie pour la première et
du nord du Maroc pour la seconde, elles étendent leur influence du Nord-Ouest
africain au sud de l’Espagne. Tlemcen, la capitale des Almohades, devient un
centre artisanal réputé. On y construit de belles mosquées et de nombreuses
écoles coraniques. Les ports maritimes (Bejaïa, Annaba et Alger, en pleine
expansion) développent un commerce actif, apportant en Europe les fameux
chevaux barbes, de la cire, un cuir de qualité et des tissus.
5.4 |
L’autorité ottomane |
Barberousse
Les frères Barberousse — dont le plus
jeune, Khayr al-Din, est ici représenté — sont deux corsaires dont les
faits d'armes sont à l'origine de la constitution du sultanat d'Alger. Après
s'être défait des Espagnols en 1515 et avoir destitué l'émir en place, tous
deux se rendent maître de la ville, base de conquêtes postérieures vers
l'arrière pays algérois. À la mort de son frère aîné, le jeune Barberousse
reçoit du sultan d'Istanbul le titre de « seigneur des seigneurs » et
entame une série d'invasions, principalement vers Tunis et l'Italie.
Hulton Deutsch/Woodfin Camp and Associates, Inc.
L’anéantissement des Almohades, en
1269, déclenche une rude bataille commerciale entre chrétiens (Espagnols) et
musulmans pour le contrôle des ports de la Méditerranée. La région est partagée
entre trois dynasties berbères : les Mérinides à Fès, les Abdelwadides à
Tlemcen et les Hafsides à Tunis. Dès la fin du xve siècle,
après la reconquête chrétienne (la Reconquista) de la totalité de l’Andalousie,
l’Espagne occupe plusieurs ports de la côte algérienne (Mers el-Kébir, Oran,
Béjaïa). Les Abdelwadides acceptent le protectorat espagnol, mais les autorités
religieuses des villes portuaires, soutenues par la population, engagent des
corsaires, qui capturent les navires marchands et retiennent l’équipage et la
cargaison en échange d’une rançon. En 1518, Alger et plusieurs autres ports
sont assiégés par les Espagnols ; les Turcs ottomans sont appelés à la
rescousse.
Les Barberousse, deux frères
corsaires d’origine grecque ou sicilienne — selon les sources — et
convertis à l’islam, obtiennent du sultan Soliman le Magnifique d’être envoyés
en Afrique du Nord avec une flotte. Ils chassent les Espagnols de la plupart de
leurs nouvelles possessions, et résistent au siège de Charles Quint devant
Alger (1541). Les Abdelwadides sont déposés en 1554, et Khayr al-Din, le plus
jeune des Barberousse, est nommé beylerbey, c’est-à-dire représentant du
sultan en Algérie. Proconsuls militaires d’Afrique, ces « rois
d’Alger » exercent leur autorité non seulement sur la zone littorale, mais
aussi sur les pachas de Tunisie et de Tripolitaine. En raison de son
éloignement de Constantinople, la régence d’Alger est gouvernée comme une
province autonome.
Conséquence indirecte de la Reconquista
espagnole, l’établissement des Ottomans en Algérie débouche sur la mise en
place d’une monarchie élective et de formes de gouvernement qui ont marqué
profondément l’Algérie : au xviie siècle,
Alger choisit son dey qui reçoit ensuite l’investiture de
Constantinople. L’ordre est en principe assuré par deux forces militaires
rivales, l’odjaq, la milice des janissaires, et la taïfa des raïs,
la corporation des corsaires. Mais l’arrière-pays — le Sud, le
Constantinois, la Kabylie — échappe au pouvoir de la régence d’Alger, qui
est essentiellement une « colonie d’exploitation ». Le pouvoir
ottoman a recours à la formation de smalas (colonies militaires) et aux maghzens,
des tribus privilégiées qui font rentrer l’impôt.
5.5 |
La conquête française |
Abd el-Kader
Roger-Viollet/Getty Images
À l’extérieur, Alger doit sa
puissance à l’efficacité de sa flotte de corsaires qui exerce une forte
influence en Méditerranée occidentale. Régulièrement, les États européens
payent un tribut pour assurer la protection de leurs navires, et les rançons
des prisonniers apportent de gros revenus à la régence. Mais à la fin du xviiie siècle, les progrès
réalisés en matière d’armement et de construction navale permettent aux
Européens de mener une action collective contre la capitale corsaire. En 1815,
les États-Unis envoient une escadre navale à Alger. L’année suivante, le
dispositif défensif de la ville est pratiquement annihilé par une flotte
anglo-hollandaise.
En 1827, prétextant un
incident qui oppose le dey Hussein au consul de France Deval, Charles X
ordonne un blocus naval et une expédition militaire contre la ville. Les
troupes françaises, fortes de 37 000 hommes, s’emparent d’Alger en
1830 et occupent une partie du pays. Le nouveau régime suscite d’emblée une
farouche résistance de la part des tribus, habituées à une autorité turque très
indirecte. En Oranie, elles s’organisent autour de l’émir Abd el-Kader, qui
proclame la guerre sainte (voir djihad) contre les Français en 1839. Sa
tactique, fondée sur des attaques éclair, rend très difficile l’entreprise de
conquête menée notamment par le général Bugeaud. Abd el-Kader, qui se réfugie
au Maroc et obtient, un temps, l’appui du sultan marocain, est définitivement
vaincu en 1847, mais il demeure longtemps un héros de la résistance nationale
aux yeux de nombre d’Algériens.
5.6 |
La colonisation française |
Les premiers colons français
qui s’établissent aux environs d’Alger achètent à bas prix ou confisquent leurs
domaines aux propriétaires algériens et turcs. La conquête, menée par l’armée
française, ne s’achève qu’en 1857 avec la soumission des oasis du Sud et de la
Kabylie. Elle est facilitée par le repli opéré par les Ottomans, qui, dès 1820,
ont octroyé des chartes libérales officialisant la transformation des régences
en protectorats semi-indépendants, puis par l’impossibilité pour les chefs de
guerre algériens de faire en quelques années l’unité d’un pays morcelé
politiquement, géographiquement et ethniquement. C’est dans ce vide politique
que s’engouffrent les conquérants.
La colonisation officielle commence
en 1836 dans la Mitidja. D’abord réticente, l’administration française organise
l’attribution de terres à des colons dont elle encourage la venue jusqu’au
début du xxe siècle,
à grand renfort de publicité, notamment chez les viticulteurs du Midi, dont les
vignes ont été détruites par le phylloxéra. En 1848, l’Algérie est proclamée
territoire français et divisée en trois départements. Les colons constituent
une élite privilégiée, qui développe de grands domaines produisant du vin et
des agrumes commercialisés en France. Si certains Européens bâtissent de
véritables fortunes, la majorité des colons est constituée de fonctionnaires,
de petits exploitants agricoles et de commerçants. Après la révolution de 1848
puis au lendemain de la Commune de Paris, des opposants politiques sont
déportés en Algérie, venant grossir les rangs des colons. L’administration de
la population musulmane est confiée aux Bureaux arabes créés en 1844 par
Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie depuis 1840. Formés uniquement
d’administrateurs militaires, ils protègent les populations arabes des
exactions des colons et provoquent le sénatus-consulte de 1863 qui, en
principe, garantit leurs terres aux tribus.
Sur le plan administratif, les
colonisateurs de l’Algérie, les Français comme les Ottomans avant eux, hésitent
entre une politique d’assimilation et des mesures visant à préserver
l’autonomie de la colonie, sans vraiment réussir à trouver de solution viable.
Instrument de l’assimilation, le décret Crémieux de 1870 accorde la citoyenneté
française aux 32 000 juifs d’Algérie, puis en 1889 la loi de
naturalisation des enfants nés en territoire français permet l’accroissement
rapide de la population non musulmane. À partir de 1881, on tente aussi une
gestion directe de l’Algérie depuis les ministères parisiens ; échec
complet, cette expérience a pour conséquence d’aggraver le sort des populations
arabes, ignorées par les législateurs. À la fin du xixe siècle, le régime d’autonomie
financière est rétabli. Outre le gouverneur général, l’essentiel du pouvoir est
détenu par l’Assemblée des délégations financières des colons, des non-colons
et des indigènes musulmans (21 représentants sur 69 membres). Le pays
demeure fort peu industrialisé. La population algérienne, évaluée à
2 millions d’habitants à peine en 1830, est estimée à près de
10 millions en 1954, dont 1 million d’Européens.
5.7 |
La montée du nationalisme algérien |
Messali Hadj
Militant nationaliste algérien, fondateur
du Parti du peuple algérien (PPA) en 1936, puis du Mouvement pour le triomphe
des libertés démocratiques (MLTD) en 1946, Messali Hadj (1898-1974) est le
premier à formuler la revendication de l'indépendance de l'Algérie.
Hulton-Deutsch Collection/Corbis
À la veille de la Première
Guerre mondiale, la plupart des jeunes Algériens souhaitent devenir français à
part entière, et la mobilisation de 1914 se fait, à l’étonnement des autorités,
dans une atmosphère d’« union sacrée », chez les musulmans comme chez
les colons. Mais la législation interdit aux autochtones de tenir des réunions
publiques ou de quitter leur maison ou leur village sans permission. Sujets
français, ils ne peuvent devenir des citoyens de plein droit qu’en renonçant à
leur statut coranique.
Ferhat Abbas en 1962
Dalmas/Sipa Press/Woodfin Camp and Associates, Inc.
Le nationalisme algérien se
développe au début des années 1920 au sein de la bourgeoisie musulmane. La
demande initiale concerne simplement l’égalité des droits avec les Européens,
comme le souligne le cheikh Ibn Badis : « Le bonheur du peuple
algérien, gres dans ce sens, se heurte à
l’hostilité des colons comme à celle de l’Assemblée nationale française. C’est
dans ce contexte que les nationalistes trouvent une argumentation de choix dans
un ouvrage paru peu de temps auparavant : le Livre de l’Algérie de
Tewfiq al-Madani (1932) proclame en exergue « L’Islam est notre religion,
l’Algérie notre patrie, la langue arabe est notre langue » ; les
nationalistes devaient s’en souvenir.
Frustré par l’opposition
systématique à toute politique d’assimilation, alors même que la population
algérienne fait preuve d’une loyauté sans faille pendant la Seconde Guerre mondiale,
Ferhat Abbas publie le Manifeste du peuple algérien en 1943, un an après
le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. Les promesses de réformes
viennent trop tard. En mai 1945, les révoltes de Sétif et de Guelma
entraînent une répression sanglante (8 000 morts à Sétif), qui
aboutit à la radicalisation des nationalistes algériens dont les mouvements
sont interdits durant un an. En 1946, Ferhat Abbas fonde l’Union démocratique
du manifeste algérien (UDMA), tandis que Messali Hadj crée le Mouvement pour le
triomphe des libertés démocratiques (MTLD). En 1947, l’Assemblée nationale
française adopte un nouveau statut de l’Algérie, instituant une Assemblée
parlementaire algérienne, avec un nombre égal de délégués européens et
musulmans. Mal appliqué, le statut ne satisfait pas les indigènes et mécontente
les colons. Les nationalistes les plus radicaux décident alors de s’engager
dans la lutte armée.
5.8 |
Une longue guerre d’indépendance |
Patrouille française
Fouille et arrestation de suspects par des
soldats français. La recherche et l'élimination des combattants du FLN se fit
au prix d'une répression aveugle.
UPI/Corbis
Des militants du MTLD, parmi
lesquels Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mohammed Khider, créent, en
1954, un Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA), qui devient
rapidement le Front de libération nationale (FLN). Ils sont les instigateurs de
l’insurrection qui a lieu dans les Aurès le 1er novembre 1954,
donnant le signal à la guerre d’Algérie. Deux ans plus tard, la guérilla contrôle
une partie des campagnes. Les Français envoient des renforts (environ
500 000 soldats), mais la guerre s’étend aux villes. Durant la
« bataille d’Alger », en 1957, les parachutistes du général Massu
parviennent difficilement à écraser les groupes nationalistes. Les Français ont
recours à des méthodes de plus en plus coercitives. L’armée française brûle les
villages dont les habitants sont soupçonnés d’aider les insurgés ; la
torture est largement utilisée, tandis que certains villageois sont déportés dans
des camps de regroupement. Des barrages électrifiés sont plantés le long des
frontières tunisienne (la ligne Morice) et marocaine, afin d’isoler le
commandement général du FLN de ses unités en Algérie.
Soldats du FLN
Soldats de l'armée du FLN, l'Armée de
libération nationale (ALN). Document extrait d'un reportage américain sur le
quartier général des rebelles dans le massif de l'Atlas, tourné au début de
1957. Les armes sont des mitrailleuses britanniques.
Corbis
En 1958, le bombardement d’un
village frontalier tunisien, Sakiet Sidi-Youssef, marque un tournant dans le
conflit. L’émotion est grande dans l’opinion internationale, déjà alertée par
une partie des intellectuels français qui dénoncent sans relâche l’usage de la
torture. En France, le prolongement de la guerre d’Algérie contribue à la
faillite de la IVe République et au retour au pouvoir du
général de Gaulle. Le 13 mai, la population européenne d’Algérie manifeste
à Alger sa crainte d’être abandonnée par la métropole. De Gaulle, dès son
entrée en fonction, promet de maintenir l’Algérie française, mais en faisant de
tous les Algériens, y compris les musulmans, des « Français à part
entière ». Puis, devant la gravité de la situation, alors que la
résistance algérienne ne désarme pas, que la lassitude gagne la population
métropolitaine et que l’isolement international de la France s’accroît, il se
prononce, en septembre 1959, en faveur du droit des Algériens à
l’autodétermination. Des négociations s’ouvrent avec le Gouvernement provisoire
de la République algérienne (GPRA), l’organe exécutif du FLN constitué
dans la clandestinité.
Graffiti de l'OAS
Pendant la guerre d'Algérie, l'Organisation
armée secrète (OAS) qui s'oppose à l'indépendance de l'Algérie par la violence
et le terrorisme a signé, au centre d'Alger, un graffiti qui proclame :
« La France reste. »
AFP
Indignés, les Français d’Algérie
tentent en vain de se soulever au début de l’année 1960. Puis en
avril 1961, les généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller organisent à
Alger un putsch qui avorte. L’Organisation de l’armée secrète (OAS),
regroupant des militaires et des colons extrémistes, s’associe au complot. Ils
mènent de front une violente campagne terroriste contre le FLN, la population
musulmane et contre les autorités françaises. Mais la plus grande partie de
l’armée française en Algérie, composée pour l’essentiel d’appelés, demeure
fidèle au gouvernement.
Gouvernement provisoire de la République
algérienne (GPRA)
Le bureau politique du Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA), réuni ici en août 1962, est
composé de Rabah Bitat, Belkacem Krim, Ben Khedda, Ahmed Ben Bella et le
colonel Si Hassan, commandant militaire de la willaya IV (de gauche à
droite).
AFP
Le 18 mars 1962, un accord
de cessez-le-feu est signé à Évian entre les autorités françaises et les
représentants du FLN. Les accords d’Évian prévoient la tenue d’un référendum.
En juillet, l’Algérie vote à une écrasante majorité pour l’indépendance. Près
d’un million de Français d’Algérie quittent précipitamment le pays avant la fin
de l’année, dans des conditions souvent difficiles. Un grand nombre de
supplétifs algériens de l’armée française (harkis), qui n’ont pu les suivre,
sont massacrés.
La guerre d’Algérie a été
l’une des plus longues guerres de décolonisation. Elle marque durablement les
esprits, algériens et français, tant par les drames humains qu’elle a provoqué
que par ses conséquences politiques. Elle confère également au peuple algérien
et à ses dirigeants un prestige considérable dans le monde arabo-musulman et,
plus largement, dans le tiers-monde. Elle favorise aussi indirectement
l’accession en douceur à l’indépendance des autres colonies françaises.
5.9 |
L’Algérie indépendante : les caciques du FLN |
5.9.1 |
Les présidences de Ben Bella et de Boumédiène |
Ahmed Ben Bella en 1990
Facelly/Sipa Press/Woodfin Camp and Associates, Inc.
L’Algérie accède à l’indépendance
dans un climat de guerre civile et d’intenses luttes pour le pouvoir. Incarcéré
en France depuis 1956, Ahmed Ben Bella est libéré après la signature des
accords d’Évian. Il s’oppose au GPRA, qu’il chasse d’Alger grâce au soutien du
chef d’état-major de l’Armée de libération nationale (ALN), le colonel Houari
Boumédiène ; dans le nouveau paysage politique algérien, l’armée de
l’extérieur prend l’avantage sur les maquis de l’intérieur. En
septembre 1962, Ben Bella est élu président de la République
algérienne démocratique et populaire. Il remplace Mohammed Khider à la tête du
bureau politique du FLN en avril 1963, et suspend la Constitution en
octobre suivant. Mais, le 19 juin 1965, il est destitué par le Conseil de
la révolution que préside Boumédiène, lequel lui reproche ses méthodes de
gouvernement autoritaires. Emprisonné et assigné à résidence, il est ensuite
exilé en France, puis en Suisse, où il fonde, en 1984, le Mouvement pour la
démocratie en Algérie (MDA).
Houari Boumédiène
De son véritable nom Mohamed Boukharrouba,
Houari Boumédiène changea de nom en février 1955 à son retour en Algérie, pour
intégrer le maquis du FLN, en s'inspirant des noms de deux saints de l'islam
algérien : Houari et Bou Medin. Président de la République algérienne
depuis 1965, il fut le père de la Constitution de 1976 établissant un régime de
démocratie socialiste — dont il fut le premier président jusqu'à sa
disparition prématurée — dirigé par le FLN avec l'islam comme religion
d'État.
Abbas/Sipa Press/Woodfin Camp and Associates, Inc.
Adepte d’un socialisme autoritaire,
Boumédiène gouverne le pays à partir de juillet 1965. Il met en place un
pouvoir fort, appuyé par l’armée. Bâtisseur de l’Algérie moderne, il permet au
pays d’acquérir une stature de premier plan sur la scène internationale, en
lançant notamment, à l’Organisation des Nations unies, l’idée d’un nouvel ordre
économique mondial en 1974. Sur le plan intérieur, l’ère Boumédiène est celle
des nationalisations des secteurs essentiels de l’économie et de la priorité
donnée au développement de l’industrie lourde, fondée essentiellement sur les
hydrocarbures, au détriment du secteur fondamental de l’agriculture. Boumédiène
perçoit lui-même les dysfonctionnements du système peu avant sa mort, survenue
en décembre 1978. Le colonel Chadli Bendjedid lui succède.
5.9.2 |
La présidence de Chadli Bendjedid |
En janvier 1979, le IVe congrès
du FLN accorde les pleins pouvoirs au colonel Chadli Bendjedid, qui devient
secrétaire général du Parti et est désigné comme candidat unique à la
présidence de la République. Le 7 février 1979, le peuple algérien ratifie
ce choix, et Chadli succède ainsi officiellement à Houari Boumédiène. Il est
réélu pour un deuxième puis pour un troisième mandat en janvier 1984 et en
décembre 1988. Dès son arrivée au pouvoir, Chadli engage une politique de
libéralisation économique et sociale. S’il maintient la politique étrangère de
non-alignement qu’a inaugurée son prédécesseur, il prend cependant ses
distances avec l’Union soviétique, effectuant une visite officielle aux
États-Unis en 1985. Sa présidence a suscité de nombreux espoirs, mais il se
forge vite une réputation de prodigalité à l’égard de son clan, venant
renforcer le climat de corruption qui règne déjà dans le pays. C’est à cette
époque qu’apparaissent les premiers maquis islamistes, avec l’équipée d’un
ancien combattant du FLN, Mustapha Bouyali, dont le Mouvement islamique armé (MIA)
tient le maquis de 1982 à 1985.
En octobre 1988, à Alger,
des émeutes de la faim opposent principalement les jeunes, premières victimes
de la faillite du modèle de développement algérien, qui a tout misé sur un
pétrole cher, aux forces de sécurité. Elles sont sévèrement réprimées, mais
elles contribuent à l’accélération de la politique de réforme du régime.
Chadli fait adopter par
référendum une nouvelle Constitution en février 1989, qui ouvre l’Algérie
au multipartisme. En juin 1990, le Front islamique du salut (FIS),
qui a su exploiter le désarroi d’une partie de la population algérienne,
remporte les premières élections municipales démocratiques. En
décembre 1991, le premier tour des élections législatives confirme
l’avantage du FIS, sur le point d’obtenir la majorité au Parlement. Ce résultat
provoque une reprise en main de l’armée, qui refuse la victoire d’un parti
confessionnel prônant la dissolution de la nation algérienne dans la oumma
(communauté politique musulmane) et hostile à la laïcisation et à
l’occidentalisation de la société algérienne. Le président Chadli Bendjedid est
déposé le 11 janvier 1992 par un coup d’État militaire ; le processus
de démocratisation est interrompu : le second tour des législatives est
annulé, le Parlement et la Constitution sont suspendus.
5.10 |
La « seconde guerre d’Algérie » |
5.10.1 |
Le Haut Comité d’État (HCE) |
Mohamed Boudiaf
Figure historique de la guerre
d'indépendance algérienne, que son opposition à Ben Bella a relégué à un rôle
d'opposant de l'ombre, Mohammed Boudiaf a effectué un bref retour sur le devant
de la scène politique algérienne. Appelé à la tête de l'État dans un contexte
politique dominé par l'essor du mouvement islamiste FIS, il est victime d'un
attentat en juin 1992, où il trouve la mort.
Pascal Parrot/Sygma
Une nouvelle fois, il est fait
appel à un héros de la guerre d’indépendance pour tenter d’apaiser la
situation : le 16 janvier, Mohamed Boudiaf, l’un des dirigeants
historiques du FLN, en exil au Maroc, est porté à la tête d’un Haut Comité
d’État (HCE), qui concentre tous les pouvoirs. Le FIS est dissous en
mars 1992, la répression s’abat sur les islamistes, qui répliquent par le
terrorisme. Mohamed Boudiaf est lui-même victime d’un attentat le 29 juin
1992. Ali Kafi lui succède à la présidence du HCE. Ses Premiers ministres
successifs (Belaïd Abdesselam, le père de l’industrialisation algérienne, Redha
Malek, Mokdad Sifi) mènent une politique de répression anti-islamiste
systématique. Les dirigeants du FIS, Abassi Madani et Ali Benhadj, sont
emprisonnés. Les éléments les plus radicaux de la mouvance islamiste
(constitués en Groupes islamiques armés, GIA) répliquent par le recours au
terrorisme et engagent la lutte armée contre les autorités. Le pays plonge dans
une guerre civile, où la violence procède autant des groupes islamistes armés
(GIA et AIS), qui portent également le terrorisme sur le sol français, que des
forces militaires et paramilitaires. Elle ne cesse de s’étendre, pour toucher
la Kabylie, d’abord épargnée, mais n’atteint pas les régions sahariennes où se
trouvent les gisements d’hydrocarbures sécurisés par l’armée, ni la frontière
marocaine.
La Ligue algérienne pour la
défense des droits de l’homme et sept formations politiques — dont le FLN,
le Front des forces socialistes (FFS), dirigé par Hocine Aït Ahmed, et
l’ex-FIS —, se faisant les porte-parole de la société civile prise au
piège de l’affrontement entre pouvoir et islamistes, refusent la logique de
guerre et prennent position pour l’ouverture de négociations politiques, préalablement
à la future élection présidentielle. La « plate-forme pour une solution
politique et pacifique de la crise algérienne », signée à Rome en
janvier 1995, demande, entre autres, la libération des responsables du FIS
et de tous les détenus politiques, ainsi que l’annulation de la décision de
dissolution du FIS. Elle est rejetée par Liamine Zéroual, nommé
« président de l’État » par la conférence nationale « de
consensus » en janvier 1994. Le discours nationaliste dont il use à
cette occasion contribue à son élection à la présidence, le 16 novembre
1995 avec 61 p. 100 des suffrages exprimés, mais le scrutin est
boycotté par l’opposition. La population algérienne, y compris les quelque
2 millions de personnes vivant en France, participe massivement à ce
scrutin (75 p. 100), manifestant son rejet de la violence.
5.10.2 |
La présidence de Liamine Zéroual |
Liamine Zeroual
Aladin Abdel/Reuters/Hulton Deutsch/Woodfin Camp and Associates,
Inc.
L’évolution du conflit demeure
complexe. L’armée, qui a protégé les consultations électorales, l’élection de
Liamine Zéroual et le référendum sur la mise en place d’une nouvelle
Constitution en novembre 1996, semble faire une guerre à distance sans
provoquer d’affrontement direct. Elle protège l’« Algérie utile »,
les installations pétrolières, mais engage peu ses unités dans une lutte à
mort, dont elle craint l’issue. L’essentiel de l’effort de guerre est assumé
par les unités spéciales, la gendarmerie et les gardes patriotiques, milices
armées par le pouvoir. Le terrorisme est jugé par le pouvoir comme
« résiduel », alors que, quotidiennement, des Algériens sont tués par
l’explosion de voitures piégées ou massacrés par dizaines dans des villages ou
des fermes isolées.
En quatre ans, vraisemblablement
plus de 100 000 personnes trouvent la mort dans ce conflit. Les
élections législatives du 5 juin 1997 sont précédées d’un renforcement des
opérations de police, destinées à nettoyer les maquis et à inciter la
population à se rendre aux urnes. Remportées par le Rassemblement national
démocratique (RND), parti créé quatre mois avant le scrutin pour soutenir le
président Zéroual, elles permettent l’entrée massive de l'opposition au
Parlement. Le RND, qui n’obtient pas la majorité absolue (155 sièges sur
380), doit composer avec le FLN (64 sièges) et, surtout, avec deux
mouvements islamistes modérés : le Mouvement de la société de la paix
(69 sièges) et le mouvement Ennahda (34 sièges). L’émergence d’un
mouvement islamiste conservateur lié à l’État permet aux autorités algériennes
de contrôler le jeu politique. En juillet 1997, le président Zéroual
libère, après six ans de détention, l’ancien leader du FIS, Abbassi Madani, qui
est néanmoins remis en résidence surveillée en septembre 1997. Enfin, la
désignation par le président du tiers des représentants du Conseil de la nation
et l’élection du 25 décembre 1997 assurent au RND le contrôle de 80
des 96 sièges qui composent le Conseil de la nation, la Chambre haute du
Parlement.
Ce semblant de jeu démocratique
ne règle pas pour autant le problème fondamental de la société
algérienne : la guerre civile ouverte qui dure depuis cinq ans. Les
autorités accroissent leurs capacités de répression en développant les milices.
En même temps, la guerre prend un tournant difficilement analysable, celui des
massacres collectifs. Ces massacres de villages entiers, qui ont commencé dans
la plaine de la Mitidja, se produisent en priorité dans des régions qui ont
voté massivement pour le FIS et qui sont très contrôlées par l’armée. Ils ont
ensuite atteint d’autres régions de l’Est et de l’Ouest algérien. Ils suscitent
une grande émotion dans l’opinion publique internationale. En juin, à la guerre
civile vient se surimposer une tension en Kabylie, provoquée par l’assassinat
du très populaire chanteur kabyle Lounès Matoub (opposé aux islamistes,
critique à l’égard du pouvoir et défenseur de l’identité berbère) et par la
mise en vigueur de la loi sur l’arabisation dans l’administration.
Économiquement, l’Algérie est toujours
dans une phase de restructuration. Les privatisations et la libéralisation du
commerce entamées en avril 1994 permettent des ascensions sociales
fulgurantes, servies par une corruption criante, alors que l’économie
parallèle, symbole de la pauvreté du plus grand nombre, subsiste. L’État algérien,
que l’on croyait au bord de l’effondrement en 1994-1995, tient « l’Algérie
utile » et porte des coups sévères aux maquis islamistes, sans pour autant
être capable de les éradiquer complètement.
En septembre 1998, une forte
opposition de la haute hiérarchie militaire, qui avait été à l’origine de la
venue au pouvoir de Liamine Zeroual, aboutit à l’annonce par ce dernier de son
départ du pouvoir en février 1999. Cette démission anticipée, suivie un
mois plus tard de celle de son conseiller et du ministre de la Justice, révèle
l’impuissance de l'État à rétablir la paix et à tracer une ligne politique
propre à redonner confiance aux diverses composantes de la population. Aux
élections du 15 avril 1999, l’opposition se présente divisée, avec plusieurs
listes dirigées par Hocine Aït Ahmed du Front des forces socialistes
(FFS), Abdallah Djallabah du Mouvement de la réforme nationale (MRN),
représentant Ennahda, l’ancien ministre réformateur Mouloud Hamrouche, Ahmed
Taleb Ibrahimi, un islamiste modéré, Youssef El Khatib, un ancien
maquisard, dont la candidature vise surtout à s’opposer à celle d'Abdelaziz
Bouteflika, candidat des militaires. Dénonçant les « fraudes
massives », les six candidats de l’opposition se retirent à la veille du
scrutin, laissant seul en lice Abdelaziz Bouteflika, qui a été élu.
5.10.3 |
La présidence d’Abdelaziz Bouteflika |
Abdelaziz Bouteflika
Après la démission de Liamine Zeroual en
septembre 1998, Abdelaziz Bouteflika est élu à la présidence de l'Algérie en
avril 1999.
AFP/Corbis
Ministre des Affaires étrangères
sous Boumédiène pendant seize ans, Abdelaziz Bouteflika se présente comme celui
qui pourrait redonner à l’Algérie son prestige et son essor. Peu après son
élection, l’AIS, avec l’appui « total et sans réserve » d’Abassi Madani,
se dit prête à déposer les armes et à participer à la lutte contre le GIA.
Abdelaziz Bouteflika annonce alors la tenue d’un référendum sur la
« concorde civile », visant à instaurer une mesure d’amnistie pour
les islamistes n’ayant pas commis de crimes de sang. Le 19 septembre 1999,
la victoire écrasante du « oui » (98,6 p. 100 des suffrages
exprimés) est interprétée par le président comme une approbation de sa
politique. Le chef de l’État y trouve une occasion de faire valoir une
légitimité contestée en raison des conditions de son élection. Si les résultats
du référendum ont réduit pour un temps l’opposition au silence, l’amnistie,
limitée au 13 janvier 2000, n’obtient pas le résultat escompté (un millier
de repentis seulement), et encore moins l’assentiment des victimes du
terrorisme. Malgré la nomination d’un nouveau Premier ministre en
décembre 1999, Ahmed Benbitour, le pouvoir peine à faire face aux autres
grands problèmes de la société algérienne : la révision du Code de la
famille, trop défavorable aux femmes, la question du tamazight (la
langue berbère) et de l’arabisation, le chômage (33 p. 100 des
actifs) et le discrédit qui touche la classe dirigeante et les militaires. En
revanche, dans le domaine de la politique étrangère, la première année de
pouvoir du président Bouteflika est marquée par la tenue à Alger du sommet
annuel de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), par la volonté de
régler le contentieux du Sahara-Occidental avec le Maroc — dont le chef de
l’État se rapproche à l’occasion de sa présence aux funérailles du roi
Hassan II —, par la volonté de favoriser le règlement du conflit
israélo-arabe (la poignée de main avec le Premier ministre israélien Ehoud
Barak), mais aussi par son voyage officiel en France.
Malgré une évolution du régime
et une amélioration de la situation sur le plan des attentats, des querelles au
sein du pouvoir conduisent à un remaniement ministériel. Le 26 août 2000,
le Premier ministre Ahmed Benbitour démissionne de ses fonctions. En désaccord
avec le chef de l’État sur le rythme de privatisation des entreprises
publiques, Ahmed Benbitour n’accepte pas, par ailleurs, la mainmise d’Abdelaziz
Bouteflika sur tous les dossiers. Le président nomme pour le remplacer son
directeur de cabinet Ali Benflis, réputé pour être un réformateur. Dans le même
temps, afin de rallier les islamistes modérés, le régime prône un retour à
certaines valeurs religieuses, notamment sur le plan de la morale.
Pour autant, la question de la
violence des groupes islamistes est loin d’être résolue. En décembre 2000,
la période du ramadan entraîne comme chaque année un regain d’assassinats et
d’actions terroristes, alors que certaines révélations d’anciens militaires
incriminent la responsabilité de l’armée dans plusieurs massacres attribués au
GIA. Surtout la situation se dégrade fortement en Kabylie. En avril 2001,
après la mort d’un adolescent de 18 ans placé en détention à
Beni Douala et abattu par un gendarme, d’importantes émeutes ont lieu,
notamment à Tizi Ouzou, entraînant la mort d’une quarantaine de personnes et le
retrait du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), parti berbère,
de la coalition gouvernementale. Au mois de novembre 2001, alors que des
pluies torrentielles s’abattent sur l’Algérie — les inondations causent la
mort de plusieurs centaines de personnes, en particulier à Alger, dans le
quartier de Bab el Oued —, le gouvernement est confronté à la
colère de la population, attisée par l’incurie des secours, lents et inadaptés.
En avril 2002, le Parlement
vote à l’unanimité un amendement à la Constitution qui institue le berbère
comme langue nationale. Ce geste historique, qui revêt une dimension symbolique
importante dans le processus de reconnaissance de l’identité berbère,
intervient à l’approche des élections législatives, dans un climat tendu par
les manifestations et les revendications qui continuent de remettre en cause
l’autorité de l’État en Kabylie. Il n’empêche cependant pas les comités de
villages kabyles d’appeler au « boycottage actif » du scrutin. Les
deux principaux partis d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS)
et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), refusent
également de participer à un scrutin dont ils contestent la régularité. En
remportant 199 des 389 sièges que compte l’assemblée, soit la majorité
absolue, le Front de libération nationale (FLN), l’ancien parti unique,
sort grand vainqueur des élections de mai 2002. L’autre parti au pouvoir,
le Rassemblement national démocratique (RND), obtient 48 sièges,
contre 155 dans la législature précédente ; l’ensemble des partis
islamistes légaux détiennent 81 sièges. En dépit des nombreux appels au
vote lancés par le président Bouteflika, le taux de participation — de
46 p. 100 selon les chiffres officiels — est le plus bas depuis
l’indépendance. En Kabylie, théâtre de nombreux affrontements entre
manifestants et forces de sécurité, les appels au boycottage sont suivis par la
quasi-totalité des électeurs, la plupart des bureaux de vote restant fermés. À
l’issue des élections législatives, le Premier ministre et secrétaire général
du FLN, Ali Benflis, est reconduit dans ses fonctions.
Le début de l’année 2003
est marqué par la visite de Jacques Chirac en Algérie, première visite d’État
d’un président français depuis l’indépendance de l’ancienne colonie. Cette
visite, accueillie avec enthousiasme par la population algérienne, vise
officiellement, côté français, à « refonder » les relations entre les
deux pays que réunit une « destinée commune ». À l’approche du
scrutin présidentiel de 2004, elle représente aussi, pour Abdelaziz Bouteflika,
une démonstration du soutien dont il bénéficie sur la scène internationale.
Conditionnée à cette échéance électorale, la vie politique algérienne est
dominée par ses habituelles luttes de clans et par le bras de fer politique
opposant le président et son Premier ministre, Ali Benflis. Devant son refus de
prendre position en faveur de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, Ali
Benflis est limogé et remplacé par Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre
(1995-1998) et secrétaire général du RND. Sur fonds de violentes querelles
intestines, le FLN désigne Ali Benflis comme son candidat à l’élection
présidentielle de 2004.
Ces luttes de pouvoir
interviennent alors que l’Algérie est endeuillée par un violent tremblement de
terre survenu le 21 mai, dans la région d’Alger. Ce séisme, l’un des plus
meurtriers jamais enregistrés en Algérie — 2 300 morts et plus
de 10 000 blessés —, provoque la colère de la population, tant face
à l’inertie des pouvoirs publics après le sinistre que face à leur incurie dans
l’aménagement du territoire. Ces manquements, ajoutés aux pratiques
frauduleuses des entreprises de construction (emploi de matériaux inadaptés,
non-respect des normes techniques, corruption), auraient lourdement contribué
au nombre de logements détruits (20 000) et de personnes sinistrées (plus
de 100 000).
Lors de l’élection présidentielle
d’avril 2004, Abdelaziz Bouteflika est réélu dès le premier tour avec près
de 85 p. 100 des suffrages — son rival Ali Benflis en recueille
6,42 p. 100. Tandis que la campagne électorale a laissé espérer un
scrutin relativement ouvert — l’armée ayant officiellement affirmé sa
neutralité —, l’opposition dénonce une fraude massive devant le score du
président sortant. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia est reconduit dans ses
fonctions. En février 2005, Abdelaziz Bouteflika devient président du FLN,
une fonction honorifique qui n’existait pas jusqu’alors. Cela témoigne du
réalignement du parti sur la politique du chef de l’État, notamment sur sa
politique de « réconciliation nationale ». Alors que, selon les
autorités, environ un millier d’islamistes sont encore en activité en Algérie,
le président Bouteflika fait voter les Algériens sur son projet de Charte pour
la paix et la réconciliation nationale visant à mettre fin à la guerre entre
l’État et les groupes armés islamistes (150 000 morts et des milliers
de disparus depuis 1992). À l’issue d’un scrutin boycotté par les partis
d’opposition, les organisations de défense des droits de l’homme et les
associations de familles de disparus, les Algériens se prononcent le
29 septembre 2005 à 97,38 p. 100 en faveur de la charte, avec
une participation officielle de près de 80 p. 100, un chiffre dénoncé
par l’opposition.
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